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Comme vous ne le savez sans doute pas, la semaine dernière, le mardi 19 novembre, les archéologues de France et de Navarre ont manifesté à Paris entre le ministère de la Recherche et celui de la Culture. Cette manifestation a été un succès puisque ce fut un raz de marée réunissant environ 1000 personnes....Dans ce cortège se trouvaient aussi bien les archéologues du service public, des services régionaux de l'archéologie et aussi ceux de sociétés privées. Tout ce beau monde, avant d'aller boire des coups, réclamait (et ils le font toujours) la création d'un grand service public de l'archéologie et la fin de la concurrence commerciale en archéologie préventive.

 

En effet, en juillet 2003 (il y a dix ans) le gouvernement Raffarin a ouvert à la concurrence les opérations d'archéologie préventives. L'UMP fut le seul parti à voter pour, l'UDF s'est abstenu et le PS et le PC ont voté contre. Jusque là, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan) puis l'Institut national de recherche en archéologie préventive (l'Inrap qui a succédé à l'Afan et a été créé en 2001) était en situation de monopole. Il s'agissait de l'employeur principal sinon unique. Il existait bien quelques services archéologiques dans certaines communes, mais ils étaient en nombre restreint.

 

Avec cette loi de 2003, les opérateurs en archéologie préventive se sont multipliés. De nombreux services archéologiques municipaux ou au sein de conseils généraux ont été créés. Des sociétés d'archéologie privée ont également vu le jour sur tout le territoire national. Il y a donc des services archéologiques appartenant au service public et d'autres de droit privé. Il faut savoir que les collaborations entre ces différents intervenants (qu'ils soient publics ou privés) sont peu nombreuses voire inexistantes.

 

La loi de 2003 prévoit que le financement des fouilles archéologiques est à la charge de l'aménageur qui choisit entre les différents devis celui qui lui plaît le plus. Autant dire que l'aménageur choisit presque systématiquement celui qui coûte le moins cher et celui qui dure le moins longtemps. Avec cette mise en concurrence, chacune de ces structures archéologiques élaborent des devis les mois onéreux possibles. L'aspect scientifique n'est donc plus l'aspect principal d'une fouille et les archéologues sont de moins en moins présents pour comprendre un site mais bien plus pour le "vidanger" et pour lever la "contrainte archéologique" pour un aménageur.

 

L'aspect scientifique paraît donc de plus en plus compromis, mais les conditions de travail des archéologues se dégradent également de plus en plus. En effet, si les délais d'intervention se réduisent, il leur faut quand même fouiller toutes les structures archéologiques. Il leur faut donc travailler plus, plus vite, moins bien, dans l'urgence. Ajoutons à cela que les clauses d'intempérie n'existent pas (à la différence du BTP) et que les équipes sur le terrain sont de plus en plus réduites. Cette population d'archéologues de terrain se trouve de plus en plus confrontés à certes de la démotivation, mais aussi à de nombreux troubles musculo-squelettiques.

 

Un autre aspect néfaste de cette mise en concurrence est la précarisation de l'emploi. Si l'Inrap comporte environ 1900 emplois dont 10% en CDD, dans les services de collectivité plus de 75% des employés ne sont pas titulaires de leurs postes. Le taux d'emploi précaire dans les sociétés d'archéologie privées s'élève à un peu plus de 30%. Si la multiplication des opérateurs permet aux CDDs de changer régulièrement et plusieurs fois par an d'employeurs, cette loi de 2003 ne garantit aucun emploi pérenne. Socialement inacceptable, cette rotation des effectifs nuit, en outre, à la qualité scientifique des opérations archéologiques.

 

Il serait possible de multiplier les exemples néfastes de cette loi. J'en citerai juste un dernier. Alors que l'Etat (communes, conseils généraux, cantons....etc) représente finalement l'aménageur principal en France, de nombreuses sociétés privées (grâce à la forte baisse des devis) réalisent des bénéfices records qui sont redistribués aux quelques dirigeants de ces structures. Est-il normal que l'argent public (donc les impôts) qui devait initialement servir à faire des fouilles archéologiques finissent dans les poches de quelques uns?

 

Face à ces multiples dérives, l'actuelle ministre de la culture a déclaré qu'elle s'inquiétait "des stratégies particulièrement agressives de ces société privées" et que "personne ne doit pouvoir imaginer réduire l'archéologie préventive à un simple marché de prestations commerciales". Elle a donc lancé une commission chargée de rédiger un livre blanc sur l'archéologie préventive. A l'occasion de sa sortie, dans ce livre, il n'y avait rien concernant cette concurrence commerciale. Comme en 2003, le PS s'était opposé à cette loi, et comme l'actuelle ministre PS la laisse perdurer, les archéologues ont manifesté le mardi 19 novembre. Ils demandent donc que soit créé un grand service public de l'archéologie associant les services et établissements publics du ministère de la culture, les collectivités territoriales, le CNRS, les universités. Cela permettrait de mettre fin aux profits dégagés par quelques actionnaires. Les employés du privé pourraient être reclassés ou intégrés dans les différentes institutions publiques.

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #archéologie
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